La Guinée Équatoriale inaugure sa première usine d'oxygène publique
Bata - Juan de Dios, infirmier à l'unité d'urgences de l'hôpital de Bata, une ville portuaire de la Guinée Équatoriale, se rappelle encore des appels au secours fréquents qui résonnaient dans les couloirs : “On manque d’oxygène ! ”. « C'était une véritable course contre la montre pour acheter et faire livrer l’oxygène à temps. À cause de son coût élevé, l’hôpital était contraint de facturer les familles, même celles à faibles revenus. C’était terrifiant de ne pas savoir si l’on pourrait sauver une vie à cause de tout cela. »
Il se rappelle l'inauguration de l'usine de production d'oxygène comme un véritable tournant : « Je me souviens de ce jour comme si c’était hier. C'était un immense soulagement d'avoir enfin tout l'oxygène nécessaire sur place et à moindre coût. »
Le 9 mai 2024, la Guinée Équatoriale, avec le soutien de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), a inauguré sa première usine de production d'oxygène médical à l'hôpital régional de Bata. Cette installation assure un approvisionnement fiable, abordable et accessible, comblant un besoin crucial révélé par la pandémie de COVID-19. Auparavant, seules cinq unités d'oxygène, toutes installées dans des hôpitaux privés aux tarifs élevés, étaient disponibles. Cette initiative marque un pas important vers la couverture sanitaire universelle (CSU) en Guinée Équatoriale.
Eleuteria, qui s'occupe de sa sœur atteinte d'une affection respiratoire chronique, a immédiatement ressenti l'impact de la nouvelle usine. « Quand ma sœur a été admise aux urgences, j'étais très inquiète car je n’avais pas assez d’argent. Mais cette fois-ci, j’ai été agréablement surprise de ne payer que 5 000 XAF, soit sept fois moins que d'habitude », témoigne Eleuteria. « Grâce à cet oxygène, ma sœur s'est rétablie, et nous avons pu rentrer à la maison, sans grande dépense comme par le passé. »
Dans la Région africaine, le coût élevé de l'oxygène le rend inabordable pour la plupart des établissements de santé publics. L'approvisionnement est également entravé par l'incompatibilité des bouteilles et l'absence de protocoles de sécurité adéquats. Les restrictions logistiques, notamment sur le transport aérien en raison de la nature explosive de l'oxygène, prolongent les délais de livraison à quatre ou six semaines, ce qui est intenable pour les patients en situation critique.
À partir de 2021, l'OMS a mis en place une stratégie régionale pour renforcer la capacité de la Région en matière d'oxygène médicale, en installant et réhabilitant 295 unités de production. Elle a également introduit un protocole d'entretien et de maintenance, ainsi qu'un outil d'instruction, pour aider les pays à mieux gérer leurs utilisations d’oxygène et les dépenses associées.
« La nouvelle usine couvre tous nos besoins, avec six à sept bonbonnes par jour, sans que cela n'impacte financièrement l'hôpital ou les patients », explique le Dr Manuel Eyene Bacale Ayeto, le responsable d’un hôpital qui s’approvisionne à l’unité de Bata. « L'un des grands changements est que nous n'avons plus à refuser des patients, peu importe d'où ils viennent. Nous pouvons désormais prendre en charge tout le monde sans avoir à les transférer vers des hôpitaux privés en raison d'un manque d'oxygène. Elle est maintenant administrée sans compromis. »
La nouvelle usine utilise la technologie de l'adsorption modulée en pression (AMP) afin de produire de l'oxygène de qualité médicale. Avec une capacité d'environ 24 bonbonnes par jour, cette installation répond non seulement aux besoins de l'hôpital régional de Bata, mais permet de soutenir la partie insulaire du pays en cas de pénurie.
L'OMS a joué un rôle clé non seulement dans la mise en place de l’usine, mais aussi dans la formation et la préparation du personnel pour assurer la durabilité de cette installation. L’usine est venue avec des pièces de rechange qui permettront d'effectuer des réparations mineures pendant les deux ou trois premières années, et un contrat de maintenance est assuré.
« Nous avons formé une équipe de trois experts pour produire un manuel d'utilisation mis à la disposition de l'équipe et de la direction de l'hôpital de Bata pour que l'usine reste pleinement opérationnelle pour les années à venir », explique Dr George Ameh, Représentant de l’OMS en Guinée Équatoriale. « Ce projet incarne une vision à long terme où la disponibilité de l'oxygène n'est plus un luxe, mais une garantie pour tous ceux qui en ont besoin. »
L'OMS a également renforcé l'unité avec 50 bonbonnes supplémentaires d'oxygène acheminées depuis le hub à Dakar, garantissant ainsi la continuité de l'approvisionnement. Cette mesure est particulièrement importante pour la partie continentale de la Guinée Équatoriale, où réside 80 % de la population, mais elle assure également un soutien pour la partie insulaire du pays.
« Maintenant, nous avons de l'oxygène à portée de main », conclut Juan de Dios. « C'est une transformation qui a changé nos vies et celles de nos patients. »